En lançant le projet de recodification du droit du travail en 2005, Gérard Larcher avait promis qu’elle se ferait à droit constant. Est-ce le cas ?
Non, ça a même été le moyen de tenter de faire passer des réformes impopulaires. Un exemple sur l’une des grandes revendications du Medef : la rupture du contrat de travail à l’amiable. Dans le code en vigueur, si un employeur se sépare - pour des raisons économiques - d’un salarié, même avec l’accord de celui-ci, il doit suivre les procédures du licenciement économique et consulter le comité d’entreprise. Un principe attaqué par le Medef. Dans le projet de nouveau code, cet article sur la rupture de contrat à l’amiable avait tout simplement disparu. Les auteurs ont présenté cet oubli comme une maladresse. L’article va être réintégré. Mais des «maladresses» comme ça, il en est bien d’autres qui sont passées inaperçues.
Des exemples ?
Après un licenciement économique, un employeur, s’il embauche à nouveau pendant une période donnée, doit proposer le poste en priorité à la personne qu’il vient de licencier. Dans le nouveau code, la règle a été recopiée à l’identique. Mais on l’a glissée dans une section qui concerne les licenciements d’au moins 10 salariés dans une période de trente jours. Ce qui pourrait exclure tous les autres ! On profite ainsi de la jungle des textes pour faire passer quelques petites régressions sociales. Par ailleurs, il n’est pas neutre d’associer dans la même partie les articles sur la rémunération à ceux sur le temps de travail : on présente la réglementation du temps de travail comme un facteur de réduction des salaires. C’est la logique du «travailler plus pour gagner plus». Lier la réduction du temps de travail aux articles sur la santé au travail aurait eu un tout autre sens.
Pourquoi la réécriture du code du travail en est-elle arrivée là ?
C’était un travail de titan, mené principalement par une petite équipe du ministère du Travail, dotée de peu de moyens. Un comité d’experts a été consulté, dont d’importants juristes, mais ils n’ont pas eu de vision globale sur la recodification. Composé d’ajouts successifs au fil des ans, le code actuel est profondément chaotique. C’est un volumineux et infernal objet, presque impossible à mettre en ordre.
Il ne fallait donc pas toucher au code?
La commission qui a travaillé plus d’un an, consulté les syndicats et les employeurs, n’a pas fait que des erreurs : certains passages sont plus clairs. La division d’articles qui faisaient des pages entières en articles plus courts est un indéniable progrès. Mais ce n’est pas en mélangeant et en redistribuant le chaos que l’on peut arriver à quelque chose d’acceptable. Il faut refondre, réécrire un nouveau code, simple et protecteur. Un livre de 200 pages dans un style clair serait un succès de librairie. Ce serait l’intérêt de tous, salariés comme employeurs : beaucoup de ces derniers veulent respecter la loi ! Mais ils n’arrivent pas à lire le code du travail, ne peuvent connaître leurs obligations et se font condamner. Ils trouvent que c’est injuste et ils ont raison.