J'avais déjà parlé de la limite des agrocarburants (les gens parlent généralement de biocarburant alors que d'autres n'hésitent pas a parler de nécrocarburant, agrocarburant me semble être le nom le plus scientifique), voici une dépêche AFP qui parle clairement de ces limites.
WASHINGTON - Détruire des écosystèmes naturels pour des cultures destinées à produire des biocarburants aggrave le réchauffement planétaire en générant pendant plusieurs décennies plus de dioxyde de carbone (CO2), le principal gaz à effet de serre, mettent en garde jeudi des experts américains.
“Si on essaye de limiter le réchauffement de la planète, il est absurde de convertir des sols pour produire des biocarburants”, affirme Joe Fargione, un chercheur du Nature Conservancy, une des plus importantes organisations privées de protection de l’environnement, co-auteur de cette étude.
“Tous les biocarburants que nous utilisons actuellement entraînent une destruction de la nature directement ou indirectement”, poursuit-il.
“L’agriculture mondiale produit déjà des aliments pour six milliards d’êtres humains et accroître la production de biocarburants entraînera forcément la conversion de davantage de superficies naturelles pour des cultures”, ajoute ce chercheur.
Le CO2 se retrouvant dans l’atmosphère du fait de la perte des forêts vierges, des savanes, des tourbières ou des steppes converties en terres de culture dépasse nettement le volume de CO2 non émis dans l’air grâce à l’utilisation de biocarburants, selon ces scientifiques dont les travaux paraissent dans la revue Science datée du 8 février.
De telles conversions de terre pour cultiver du maïs ou de la canne à sucre, à partir desquels on produit l’éthanol ou encore du soja pour le biodiesel, se traduisent par des volumes d’émissions de CO2 de 17 à 420 fois plus grandes que la réduction annuelle résultant du remplacement des carburants fossiles par des biocarburants, ont calculé ces chercheurs.
Le carbone séquestré dans les arbres et plantes détruits, ainsi que dans le sol où étaient ces végétaux, se retrouve dans l’atmosphère sous forme de CO2 et ce processus peut prendre plusieurs décennies voire des siècles, selon eux.
Ces chercheurs ont calculé qu’en Indonésie, où des tourbières ont été converties pour cultiver des palmiers à huile afin de produire du biodiesel, il faudrait 423 ans avant que ce biocarburant ait une contribution positive pour réduire les émissions de CO2.
“Les gouvernements n’ont pas mis en place un système pour encourager les propriétaires terriens à limiter les émissions de CO2 mais au contraire leur offrent des incitations financières pour faire des cultures destinées à produire des biocarburants”, relève Stephen Polasky, professeur d’économie à l’université du Minnesota (nord), un des co-auteurs de ces travaux.
“Mettre en place des incitations pour accroître la séquestration du carbone par la nature ou pénaliser les émissions de CO2 provenant des cultures est essentiel pour répondre sérieusement à ce problème”, selon lui.
Ces chercheurs notent que le fort accroissement de la demande pour l’éthanol du maïs aux Etats-Unis contribue à la destruction croissante de la forêt amazonienne au Brésil.
Pour répondre à la demande d’éthanol, les agriculteurs américains ont cessé d’alterner les cultures de maïs avec celles du soja, ce qui conduit leurs homologues brésiliens à produire plus de soja pour répondre à la demande mondiale insatisfaite, et ce au détriment de la forêt vierge, expliquent-ils.
Les auteurs de l’étude font cependant valoir que certains biocarburants ne contribuent pas au réchauffement climatique car ils laissent intact l’environnement naturel.
Ils citent les biocarburants obtenus à partir des déchets agricoles et forestiers, comme les copeaux de bois, ainsi que des plantes herbacées poussant sur des terres non propices à l’agriculture et objet de nombreuses recherches.