Si la gauche revient au pouvoir, abrogerez-vous les mesures fiscales du gouvernement ?
Nous reviendrons sur toutes les baisses d'impôt sur le revenu qui ont été accordées sur les tranches supérieures du barème. Nous nous remettrons au niveau de 2002. De même, nous supprimerons le bouclier fiscal, dont on voit, avec Johnny Hallyday, qu'il ne convainc nullement certains de ses bénéficiaires de ne pas pratiquer l'exil fiscal. La retenue à la source est une technique, pas une réforme. Il y a de la supercherie électorale à laisser penser que les Français ne paieront pas d'impôt en 2008. Ils le paieront en 2009.Vous reviendrez donc sur la réforme de l'ISF ?
Nous ferons une réforme de l'ISF qui maintienne la contribution des plus gros patrimoines à l'effort de solidarité sans pour autant favoriser l'évasion. Nous ferons en sorte que les entreprises familiales ne soient pas rachetées, pour des raisons fiscales, par des fonds d'investissement et ne voient pas ainsi leurs sièges délocalisés, comme c'est le cas depuis une dizaine d'années. Il faut autoriser la création de pactes d'actionnaires qui permettent à leurs signataires d'être soumis au même traitement que ceux qui sont dirigeants ou présents dans les conseils de surveillance. Si on ne vend pas ses titres pendant quinze ans, vingt ans, il est légitime de payer un impôt moins élevé. L'ISF doit jouer son rôle de cohésion sociale. Est-il acceptable que les dirigeants du CAC 40 aient une rémunération équivalente à 300 smic et protestent, en plus, sur le niveau excessif des prélèvements !Exonérerez-vous partiellement la résidence principale de l'ISF ?
La hausse du prix de l'immobilier constitue un enrichissement pour ceux qui ont déjà un patrimoine. Ce serait paradoxal d'y ajouter un avantage fiscal. En revanche, je suis favorable à un système beaucoup plus incitatif pour l'acquisition. Plusieurs réformes sont possibles : opérer une distinction entre le foncier et l'immobilier, créer des systèmes de prêts hypothécaires plus longs, avoir des garanties collectives qui permettent d'accéder à la propriété alors qu'on ne dispose pas de patrimoine de départ.La droite explore des pistes...
Une des idées les plus contestables, avancées par Nicolas Sarkozy, c'est la privatisation des logements du parc HLM. Elle créerait des situations de copropriétés impossibles à gérer pour les bailleurs sociaux et immobiliserait un patrimoine social dont le principe même doit être la mobilité de ses occupants. Les Français doivent accéder plus facilement à la propriété, mais hors du logement social.Baisserez-vous les droits de mutation ?
Ils l'ont déjà été singulièrement, et notamment par des gouvernements de gauche. Aujourd'hui ces droits sont perçus par les collectivités locales ; leur suppression supposerait donc des compensations de la part de l'Etat. Mais je le dis clairement : il n'y aura pas de baisse du niveau des prélèvements obligatoires durant la prochaine législature. Tout candidat qui promettra une baisse des impôts, générale et massive, est soit dans le mensonge, soit dans l'irresponsabilité.Quand on a un niveau d'endettement public proche de 60 % de la richesse nationale, toute baisse d'impôt est financée par emprunt. Tout avantage fiscal accordé doit donc être d'un rendement élevé, sinon il est payé par les générations futures. C'est à l'aune de ces deux principes que sera fondée notre politique budgétaire et fiscale.
Reverrez-vous à la baisse les dépenses de l'Etat ?
C'est l'efficacité de la dépense qui compte. Nous aurons à redéployer des moyens et des effectifs, à réorganiser un certain nombre de ministères et à remettre en cause des "aides" ou des dépenses fiscales sans contreparties effectives. Par exemple, en matière de logement, le dispositif De Robien aboutit à la construction de logements vides. Quant aux exonérations de cotisations sociales, elles dépassent 25 milliards d'euros, sans véritable contrepartie en termes d'emplois ! Nous les remettrons sous conditions.Comment vous y prendrez-vous pour réformer les retraites ?
La droite a fait le plus facile, avec le départ avant 60 ans de ceux qui ont cotisé plus de 40 annuités. Elle a multiplié les injustices, notamment avec le système de la décote, et elle n'a rien réglé financièrement ; le déficit est là, 4 milliards d'euros en 2007, et un rendez-vous difficile s'annonce en 2008, alors même que les Français pensent avoir déjà consenti le plus gros de l'effort. Il faudra d'abord leur dire la vérité sur les comptes sociaux de demain et d'après-demain.Ensuite, s'ouvrira une négociation avec les partenaires sociaux sur ce qu'il conviendra d'abroger de la réforme Fillon - les décotes qui touchent les carrières non complètes, notamment pour les femmes - et ce qu'il sera nécessaire d'ajouter. Ainsi, nous introduirons la règle de la pénibilité, métier par métier pour tenir compte des espérances de vie au moment du départ à la retraite et fixer à partir de ce critère les durées de cotisations. La négociation ne doit plus simplement porter sur le seul âge de la retraite, mais sur le temps de travail sur toute la vie. Le compte épargne temps, de ce point de vue, doit être complètement reconsidéré pour en faire un outil à la disposition de chacun afin d'organiser librement sa vie professionnelle.
La plupart des pays européens ont fait le choix de retarder l'âge de la retraite, à 67 ans en Allemagne.
Nous n'avons pas la même situation démographique que les Allemands. Notre taux de fécondité permet le renouvellement des générations et le solde migratoire des dernières années a contribué au rajeunissement de la population.Où prendrez-vous les marges de manoeuvre ?
Si l'on veut préserver un taux de remplacement d'au moins 75 % pour les petites et moyennes retraites, et ne pas allonger encore les durées de cotisation pour les métiers pénibles, il faudra créer une contribution de solidarité, calculée sur l'ensemble de la richesse produite et pas seulement sur le travail. Une sorte de CSG-retraite. Versée pour moitié par les salariés et les entreprises, elle couvrira aussi le risque dépendance. Enfin, il faudra repenser le dispositif de rachat de cotisations. Son coût est exorbitant, même pour les cadres entrés tard sur le marché du travail. Il faudra encourager fiscalement et socialement ces opérations.Vous ne toucherez pas aux régimes spéciaux des retraites ?
Ces régimes devront évoluer par la négociation. Il y a des droits acquis : tout changement substantiel ne peut être accepté par les personnes qui sont depuis longtemps dans l'entreprise. En revanche, les conditions pourront évoluer pour les personnes nouvellement embauchées qui entrent dans ces régimes.Comment inciterez-vous les Français à épargner pour leur retraite ?
L'essentiel pour nous est de préserver le système de répartition et non pas la capitalisation. Les produits que nous avons nous-mêmes contribué à mettre en place n'ont pas connu le succès espéré. Ce qu'il faut, c'est faire évoluer l'assurance-vie, le produit d'épargne préféré des Français, par rapport à l'objectif de préparation de la retraite.Comment augmenter le pouvoir d'achat des salariés ?
Notre première décision sera d'ouvrir une conférence sur les salaires. Nous donnerons une visibilité à la progression du smic, 1 500 euros d'ici à la fin de la législature. Nous reverrons les minima salariaux dans l'ensemble des branches professionnelles et encouragerons les négociations par un nouveau mécanisme d'exonération des cotisations sociales : à chaque fois qu'il y aura augmentation de la masse salariale due à des embauches ou à des hausses de salaires, elles seront prolongées ; à défaut, elles seront progressivement supprimées.En outre, le passage à l'euro a induit une hausse des prix sans que l'indice l'ait mesuré. Un autre phénomène s'est produit : des oligopoles privés se sont installés dans l'eau, le téléphone, les services financiers, etc., provoquant un relèvement des prix. Il faudra dans tous ces domaines faire jouer une véritable concurrence et prévoir des tarifs sociaux pour les plus modestes.
Enfin, le renchérissement de l'immobilier pèse sur le budget des ménages. C'est pourquoi notre projet prévoit l'instauration d'un bouclier logement afin que les ménages ne consacrent pas plus du quart de leurs revenus aux charges locatives. Nous créerons un service public de la caution qui permette aux foyers en situation de précarité ou d'instabilité de louer ou d'acheter.
Revenons à la BCE. Contestez-vous sa politique monétaire ?
Le vrai sujet, c'est l'euro cher qui pose un problème de compétitivité au sein même de l'Union. Alors que l'Allemagne engrange des excédents records, le déficit commercial de la France atteint un niveau historique : plus de 30 milliards d'euros.Avant de mettre en cause la BCE, il faut dénoncer la coupable, la négligence des gouvernements européens, qui n'utilisent pas les compétences que les traités leur confèrent. Les autorités politiques ne jouent pas leur rôle, ni de coordination, ni d'affirmation d'une politique de croissance, ni même d'une politique de change qui relève pourtant du Conseil européen. Je propose donc que s'engage, au plus vite, une discussion entre la zone euro, les Etats-Unis et la Chine pour trouver un accord de stabilisation des taux de change.
Le système de Bretton Woods est mort, mais rien ne l'a remplacé. Il n'est pas normal que les fluctuations de change entre l'euro et le dollar altèrent à ce point les conditions de la concurrence. En termes de coordination, la première exigence est de faire vivre le gouvernement économique de l'Union européenne et d'autoriser des dérogations au pacte de stabilité pour les dépenses d'avenir (recherche, environnement, politiques territoriales, etc.).
Comment pouvez-vous juridiquement supprimer les stock-options ?
On ne peut pas les empêcher, mais on peut les dissuader. Je ne connais pas de meilleure arme que la fiscalité. Les généraliser à tous les salariés comme le propose l'UMP relève du miroir aux alouettes. Le salaire doit rester l'élément principal de toute rémunération à tous les niveaux de l'entreprise.Les entreprises dénoncent l'insécurité juridique lorsqu'elles licencient... L'insécurité juridique vaut d'abord pour le contrat nouvelle embauche (CNE) ; alors qu'il était censé donner de la souplesse aux entreprises, il est désormais contesté devant les tribunaux. Nous l'abrogerons. Le contrat de droit commun doit être le CDI. Les indemnités de licenciement seront significativement relevées, d'autant plus que l'ancienneté est grande et que l'obligation de reclassement n'est pas réalisée.
On dira que c'est une forme de taxe sur les licenciements. Oui, d'une certaine façon. Mais nous ouvrirons dans le même temps la perspective d'une sécurité professionnelle aux victimes d'un plan social : un contrat passé entre le chômeur et le service public de l'emploi pour établir un parcours de qualification avec une rémunération maintenue en contrepartie d'un effort rapide de retour vers l'emploi.
Sur quelle crédibilité appuyez-vous votre projet ?
La méthode compte presque autant que les mesures elles-mêmes. Il n'y aura pas de réussite durable sans un progrès en matière de démocratie sociale, de décentralisation et de rénovation de nos outils de décision. Je crois à la nécessité d'une programmation stratégique le temps d'une législature, établie en concertation avec les partenaires sociaux et les collectivités territoriales. Je n'ose pas dire d'un "plan". Mais c'est bien de cela qu'il s'agit ! Le problème majeur qu'il nous faut régler c'est celui du taux d'emploi. On entre trop tard et on quitte trop tôt le marché du travail. Il faut mettre fin à un comportement patronal qui écarte les seniors pour des questions de productivité et de rémunération. Pour maintenir les salariés dans l'entreprise, je propose de moduler les cotisations sociales en fin de carrière, de façon à dissuader les licenciements des plus de 55 ans.