Des chercheurs de l'Institut Pasteur et du CNRS publient dans Nature Genetics une étude de génétique des populations humaines menée à l'échelle du génome. Elle a permis d'identifier un ensemble de plus de 580 gènes qui ont vraisemblablement contribué à la diversité morphologique des populations, et à leurs différences en terme de sensibilité aux maladies. Dans ce dernier domaine, le travail des chercheurs ouvre des pistes d'investigation importantes pour l'étude des gènes de prédisposition à différentes pathologies.
Les différences de couleur des cheveux, de taille, ou de sensibilité à certaines maladies observées entre différentes populations humaines aujourd'hui sont-elles la résultante du hasard - la dérive génétique - ou de la sélection naturelle, c'est-à-dire de processus d'adaptation à l'environnement? Et si la sélection naturelle a participé aux différences phénotypiques entre les populations, quels ont été les gènes particulièrement impliqués?
Des chercheurs de l'unité de Génétique évolutive humaine, dirigée par Lluis Quintana-Murci à l'Institut Pasteur, ont cherché à répondre à ces questions en menant une vaste analyse à l'échelle du génome. Elle a été réalisée à l'aide des données générées par le projet international HapMap dont l'objectif est de développer une ressource publique pour aider les chercheurs à découvrir les gènes associés aux maladies humaines et à la réponse aux médicaments.
L'analyse a porté sur 210 individus représentatifs des différentes populations humaines. Le niveau des différences entre populations a pu être mesuré grâce à plus de 2,8 millions de marqueurs polymorphes du génome humain.
L'étude a permis de prouver que la sélection naturelle a participé significativement à la diversité des populations humaines modernes. Elle a de plus abouti à l'identification de 582 gènes, ayant été soumis à des fortes pressions de sélection positive, qui varient entre les populations humaines. Ces gènes se seraient différenciés entre il y a 60 000 ans et 10 000 ans.
Certains d'entre eux sont impliqués dans des différences physiques (pigmentation de la peau, épaisseur des cheveux, calvitie), d'autres interviennent dans les relations hôte-pathogènes, comme le gène CR1, impliqué dans la sévérité des attaques de paludisme, dont une mutation est retrouvée chez 85% des Africains, mais est absente chez les Européens et les Asiatiques. Enfin, d'autres gènes sont associés à des maladies pour lesquelles le taux de prévalence peut varier entre les populations, comme le diabète, l'obésité ou l'hypertension.
"Ces gènes ont participé à l'adaptation à l'environnement, leurs mutations ont apporté des avantages sélectifs: ils jouent donc probablement un rôle important à l'échelle de chaque individu", souligne Lluis Quintana-Murci, qui précise: "Cependant, ces gènes expliquant la différentiation phénotypique entre populations ne représentent qu'une infime partie de notre génome, ce qui à nouveau abolit le concept de «race» d'un point de vue génétique".
"Nos travaux ouvrent ainsi la voie à des recherches génétiques d'intérêt médical, en ayant notamment identifié des gènes candidats pour des maladies dont la prévalence varie entre les populations humaines et des gènes candidats à la prédisposition à différentes pathologies", conclut le chercheur.