" UN CERVEAU normal n'est pas nécessaire pour avoir une vie normale ". C'était le titre, finalement non retenu, du court récit, par trois médecins de l'hôpital de La Timone à Marseille, d'une étonnante histoire, que l'hebdomadaire médical britannique, The Lancet, publie dans son édition datée de samedi 21 juillet.
Un de leurs patients présente de spectaculaires anomalies cérébrales en dépit desquelles sa vie n'est quasiment pas affectée. Son cerveau est en effet complètement aplati et refoulé contre les parois crâniennes par du liquide céphalorachidien (LCR), ce qu'on appelle une hydrocéphalie.
Le professeur Jean Pelletier a vu, il y a deux ans, ce patient âgé de 44 ans, marié et père de deux enfants. " Il présentait depuis deux semaines un petit déficit moteur de la jambe gauche et signalait qu'il avait eu, dans sa jeunesse, des interventions chirurgicales pour une hydrocéphalie découverte après sa naissance. "
Les clichés d'imagerie par résonance magnétique pratiqués ont surpris les médecins. " Il y avait un contraste rarement vu entre la déformation massive qui ne fait apparaître que peu de tissu cérébral et le fait que l'état du patient était quasiment normal ", souligne le docteur Lionel Feuillet qui suit également cette personne. L'homme mène en effet une vie sociale et professionnelle des plus normales. Seuls ses tests neuropsychologiques sont très légèrement altérés.
Sécrété au niveau d'une des cavités du cerveau appelées ventricules, le LCR est normalement renouvelé en permanence et résorbé par voie veineuse. Pour soulager l'hydrocéphalie du malade, une dérivation avait été réalisée quand il était âgé de 6 mois. Son enfance se passe sans problème majeur. A 14 ans, il présente des signes nerveux moteurs dans la jambe gauche qui disparaissent après que la dérivation chirurgicale a été rendue de nouveau perméable.
Trente ans plus tard, des signes relativement discrets ont justifié une nouvelle intervention de dérivation effectuée par le troisième auteur de l'article, le professeur Henry Dufour. L'examen neurologique s'est normalisé en quelques semaines.
" Ce cas montre qu'après opération, les grosses hydrocéphalies de l'enfant ont un bon pronostic ", indique le docteur Feuillet. " Il illustre l'étonnante plasticité du cerveau. Chez cet homme, comme il ne s'agissait pas d'un phénomène brutal, le cerveau s'est adapté au cours du développement à la contrainte à laquelle il était soumis du fait de l'hydrocéphalie. C'est pour cela qu'il fonctionne dans les limites de la normale ", conclut le professeur Pelletier.