Dans la série "quel énergie pour le futur?", je vous propose aujourd'hui de découvrir une nouvelle source d'énergie, qui semble propre et prometteuse : l'énergie osmotique entre l'eau douce des fleuves et l'eau salé des océans.
Par Pierre-Henry DESHAYES, OSLO (AFP).La pub montre une simple salière. "Nous cherchons la source d'énergie du futur depuis des années. Peut-être la réponse a-t-elle toujours été sous notre nez", y proclame Statkraft, qui a décidé de construire la première mini-centrale à eau de mer au monde.
Sur les rives du fjord d'Oslo, le groupe public norvégien aménagera l'an prochain un projet-pilote de centrale "osmotique", une forme d'énergie propre qui, selon ses promoteurs, pourrait en théorie produire 1.600 TWh à l'échelle mondiale, soit la moitié de la consommation énergétique actuelle en Europe.
"C'est totalement neutre en émissions de CO2", explique Jon Dugstad, un haut-responsable de Statkraft. "Tout ce qu'on fait, c'est mélanger eau douce et eau de mer, sans rien ajouter dans un processus qui est parfaitement naturel" puisqu'il se produit partout où les rivières se jettent dans la mer.
L'énergie osmotique exploite la différence de concentration entre liquides : si l'on sépare deux masses d'eau filtrée, l'une salée l'autre douce, par une membrane semi-perméable, la seconde -moins concentrée- migre naturellement vers la première.
Le surcroît de pression généré sur l'eau salée, elle-même préalablement pressurisée, peut alors être transformé en énergie via une turbine.
Dans une usine de Hurum, dans le sud de la Norvège, Statkraft va donc construire une minuscule centrale osmotique capable de produire de 2 à 4 KWh, de quoi alimenter quelques ampoules.
"Le prototype ne vise qu'à valider la technologie", précise M. Dugstad.
En cas de succès, une centrale à plus grande échelle, capable celle-là de produire de 160 à 170 GWh -assez pour alimenter environ 15.000 foyers en électricité-, pourrait suivre dans les années qui viennent.
Selon Statkraft, l'énergie osmotique pourrait être compétitive aux alentours de 2015. Avec l'Europe, l'Amérique du Nord, l'Afrique du Sud et certaines régions d'Amérique latine parmi les marchés considérés comme les plus prometteurs.
"Ce n'est pas une lubie de chercheurs. A l'avenir, on sera de toutes façons amenés à exploiter toutes les sources d'énergie propres", commente Gérald Pourcelly, directeur de l'Institut européen des membranes affilié au CNRS.
Le principal défi technologique se situe au niveau de la membrane, dont l'étendue et la perméabilité -permettant à l'eau douce de migrer vers l'eau salée sans que les particules de sel ne puissent faire le parcours en sens inverse- déterminent le niveau d'énergie produite.
"Le problème, c'est qu'il faut que les surfaces d'échange, c'est-à-dire la membrane, soient extrêmement grandes pour recueillir suffisamment d'énergie. Cela va nécessiter de grandes quantités de membranes pour une énergie au m2 relativement faible", estime M. Pourcelly.
Au fil des ans, Statkraft dit être parvenu, en laboratoire, à un flux (la quantité d'énergie rapportée à la surface) de 3 Watt/m2.
"Nous pensons qu'il nous faut 5 Watt/m2", indique-t-on chez Statkraft.
D'une exploitation peu coûteuse une fois installée, l'énergie osmotique aurait aussi le mérite d'assurer une production constante, un gros avantage par rapport au solaire ou à l'éolien.
L'inconvénient est d'ordre géographique dans la mesure où de telles centrales nécessitent une certaine emprise au sol dans des zones souvent déjà fortement urbanisées, au point de jonction entre rivières et océans.
Mais, note Statkraft, l'espace requis -la compagnie évoque l'équivalent d'"un ou deux terrains de football" pour une centrale de 160 GWh- reste moindre en comparaison à la superficie d'un champ d'éoliennes capable de produire la même quantité d'énergie.