Bruno Julliard a envoyé ce jour une lettre à Nicolas Sarkozy, président de la République, concernant le projet de loi sur l'autonomie des universités.
Monsieur le Président,
Durant votre campagne électorale, vous avez rappelé votre détermination à réformer la France. Parmi vos priorités figure la réforme de l’université et je m’en félicite. Vous avez insisté sur l’importance que vous accordiez au dialogue avec les partenaires sociaux. Le 31 mai dernier, Valérie Pécresse, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, lançait la réforme des universités et annonçait qu’elle entendait prendre le temps de la négociation, malgré un calendrier particulièrement resserré.
Depuis plusieurs mois, l’UNEF n’a cessé de rappeler qu’elle partageait la volonté de réformer l’enseignement supérieur dans notre pays. Notre université souffre aujourd’hui d’un manque de moyens, et les enjeux majeurs pour la démocratisation de la réussite ne pourront être abordés que par une réforme des premiers cycles universitaires, de l’aide sociale aux étudiants, de l’insertion professionnelle, de l’orientation, de la lisibilité de l’offre de formations.
Nous l’avions dit : pour qu’elle permette de répondre efficacement et utilement aux problèmes que rencontre notre système d’enseignement supérieur, la réforme des universités ne peut s’envisager sans les étudiants, et ne peut se faire au service d’une seule catégorie d’acteurs de l’université.
Un projet de loi jusqu’au-boutiste, radical dans son contenu et ne répondant pas aux attentes de la quasi totalité de la communauté universitaire, une précipitation piétinant les négociations en cours, vos déclarations provocatrices sur le financement inégalitaire de nos universités : les événements de ces derniers jours soulèvent chez les étudiants de grandes inquiétudes et un sentiment de colère.
Vous êtes en ce moment même sur le point d’arbitrer, à l’Elysée, les derniers amendements au projet de loi. Tout laisse penser que vous refusez la main tenue par les représentants de la communauté universitaire, dont l’UNEF. Je crois que nous avons donné de nombreux gages ces dernières semaines quant à notre souhait d’aborder cette réforme de manière constructive. Je vous ai écrit le 21 mai dernier, sollicitant un entretien pour tenter de vous convaincre qu’une réforme ambitieuse et concertée était possible. Vous n’avez pas jugé bon de me répondre. J’ai répété, à plusieurs reprises, à vos conseillers ainsi qu’à Madame la ministre, que nous étions prêts à nous engager dans des compromis. Ces compromis sont indispensables pour la réussite d’une réforme d’ampleur de l’université, l’histoire récente l’a montré.
Alors que, pour la première fois depuis plus de vingt ans, l’ensemble des acteurs de la communauté universitaire pouvaient se retrouver autour d’une table, alors que pour la première fois depuis bien longtemps, les pouvoirs publics affichaient non seulement une volonté politique indéniable mais également des engagements concernant les moyens budgétaires supplémentaires, alors que les étudiants, un an après la crise du CPE, avaient souhaité traduire par des négociations sur l’avenir de l’enseignement supérieur le malaise de la jeunesse, le risque d’un nouvel affrontement entre les jeunes et le gouvernement se profile inéluctablement. En l’état actuel du projet de loi et de la méthode d’adoption utilisée, ne doutez pas de notre détermination.
C’est pourquoi je vous demande, dans l’intérêt de notre université, d’ouvrir de réelles concertations et de desserrer le calendrier d’adoption de la loi. Ne laissez pas passer cette occasion unique de voir naître une réforme partagée de l’université française. Sans des modifications conséquentes du texte de loi, loin de rester dans l’histoire, la loi sur l’autonomie des universités sera une nouvelle occasion ratée.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma respectueuse considération.
Bruno Julliard
Président de l’UNEF