CHICAGO (AFP) - Cultiver des organes en laboratoire pour les transplanter ou régénérer des membres amputés restent des exploits réservés à la science-fiction. Mais une découverte majeure sur les cellules souches dévoilée mardi a rapproché ce rêve un peu plus de la réalité.
Une équipe japonaise et une équipe américaine ont réussi à transformer des cellules de peau humaine en cellules souches, qui sont capables d'évoluer en cellules nerveuse, pancréatique, cardiaque ou de plus de 200 autres types.
Cet exploit ouvre la voie à de nouveaux traitements contre le cancer, le diabète ou encore la maladie d'Alzheimer, selon deux études distinctes publiées mardi par le magazine Science.
"C'est vraiment le Saint-Graal de pouvoir prendre quelques cellules d'un patient, disons un frottis de la joue ou quelques cellules de la peau, et de les transformer en cellules souches dans un laboratoire", s'est extasié Robert Lanza, directeur scientifique de l'entreprise de biotechnologie Advanced Cell Technology.
"C'est un peu comme d'apprendre à transformer du plomb en or", a-t-il déclaré à l'AFP.
Même s'il y a encore loin de la coupe aux lèvres, en dépit de la relative simplicité de la méthode dévoilée mardi, les bénéfices potentiels sont "énormes", souligne ce scientifique.
Et de citer la réduction du taux de mortalité après une crise cardiaque, le rétablissement du flot sanguin permettant d'éviter une amputation ou encore la "construction" d'un rein sain.
L'utilisation des cellules de la peau d'un patient permettra à terme aux médecins de créer des cellules souches contenant son code génétique et donc d'éliminer tout risque de rejet de tissus ou d'organes transplantés.
Plus immédiatement, la multiplication de sources de cellules souches devrait permettre de donner un véritable coup de fouet à la recherche, en permettant de tester plus efficacement de nouveaux médicaments et de mieux comprendre certaines maladies comme les cancers, le diabète ou Alzheimer.
La nouvelles technique -consistant à introduire 4 gènes dans la cellule de peau pour qu'elle se comporte comme une cellule souche- permet en outre d'obtenir ces cellules à tout faire, sans en passer par la destruction d'embryons humains, ce qui permet de contourner les problèmes éthiques soulevés par cette méthode.
Elle paraît tellement séduisante que le scientifique qui a réussi l'exploit de cloner la brebis Dolly l'a adoptée.
Cela "nous entraîne dans une ère entièrement nouvelle de la biologie des cellules souches", affirme Ian Wilmut, le chercheur écossais qui a créé le premier clone de mammifère obtenu à partir d'une cellule d'animal adulte.
"Nous pouvons maintenant envisager le moment où une méthode simple pourra être utilisée pour générer n'importe quel tissu à partir d'un tout petit échantillon pris sur n'importe lequel d'entre nous", a-t-il souligné.
Mais il reste des obstacles à franchir et les chercheurs qui ont annoncé leur découverte mardi ont aussi appelé à ne pas abandonner la recherche sur les cellules souches embryonnaires.
La nouvelle méthode comporte cependant un risque de mutation cellulaire parce que les gènes sont transportés dans la cellule par un rétrovirus.
Si cela limite pour l'heure l'usage thérapeutique direct, il n'en permet pas moins de multiplier les tests de nouveaux médicaments grâce à la capacité illimitée à créer de nouvelles cellules souches.
"Vous pouvez prélever les cellules de la peau d'un diabétique, les transformer en cellules pancréatiques (qui produisent l'insuline régulant le niveau de glucose dans le corps ndlr) et voir ce qui se passe", a déclaré à l'AFP Konrad Hochedlinger, du Stem Cell Institute de l'université Harvard. "C'est une explosion de ressources".